Une Terre à aimer (4)
Acte N°39 bis
À l’attention de:
- Raymond Berdou, maire du Mas d’Azil,
- Augustin Bonrepaux, Président du Conseil Général de l’Ariège,
- Catherine Guien, Présidente des Abattoirs,
- Jacques Maurice, Président de la résidence d’artistes Caza d’oro,
- Aurélie Filippetti, Ministre de la Culture et de la Communication,
- et aux technocrates articides et autres mercantis adventices.
À compter du 20 juillet 2013 et jusqu’à la prise en compte de la demande exposée ci-après, je vais investir la grotte du Mas d’Azil et y réaliser ponctuellement une série d’actes performatifs en signe de protestation contre le dirigisme étatique en matière d’art et de culture et, localement, contre l’inadéquate et dissonante et outrageante présence d’œuvres d’art contemporain dans ce haut-lieu de la préhistoire.
Depuis quatre ans, à plusieurs reprises, au cours de réunions publiques, j’ai dénoncé l’imposture artistique et économique que constitue la présence d’œuvres d’art contemporain à la Grotte du Mas d’Azil, sans être écouté ni entendu. La parole restant sans effet, le temps est venu d’acter.
Ce que je dénonce et déplore - et nous sommes nombreux à le faire même si personne, jusqu’ici, n’a osé s’exprimer publiquement - c’est:
1) la non pertinence de la présence de l’art contemporain dans la grotte. Non seulement les œuvres exposées n’ont rien à voir avec le contenu géologique, paléontologique, archéologique, anthropologique de la grotte mais elles vont à son encontre en occupant et occultant l’espace déjà plein de lui-même. La grotte n’est pas un contenant, elle n’est pas un espace vide qu’il faudrait remplir pour le décorer, la grotte est pleine d’elle-même, pleine de son propre contenu, préhistorique et historique. Tout ajout hétéroclite, loin de révéler ce qu’elle a à nous raconter, ne fait que le cacher. C’est dans sa sobriété, son naturel, son originalité, sa virginité que la grotte a des chances de se révéler aux regards, non sous ce fardage lourd qui lui donne l’apparence d’une prostituée prête à tout pour se vendre. D’où le mot d’un préhistorien: «Avant, au Mas d’Azil, il y avait une grotte préhistorique. Aujourd’hui il y a un produit touristique, une marchandise déguisée en rayon de Noël»
Si cet art contemporain, comme ses partisans ont essayé de nous le faire croire, contribuait à mieux voir, à mieux comprendre, à mieux révéler le contenu préhistorique de la grotte, il n’y aurait pas lieu de s’en offusquer, mais c’est tout le contraire qui se produit. L’art contemporain dans la grotte nuit à la visibilité et à la lisibilité de la grotte. Il nous diverti de la grotte (divertir = éloigner de soi). Il nous montre autre chose qu’elle au détriment d’elle. Le bon sens populaire s’exprime tous les jours: “Nous étions venus voir une grotte, nous avons vu un grand bazar, c’est ça, la préhistoire, au Mas d’Azil?”. Alors, s’il vous plaît, Messieurs les décideurs: que cette grotte ne perde pas son âme, qu’elle reste ce qu’elle est, ce qu’elle a toujours été: une grotte qui a quelque chose à nous raconter sur nous, sur notre histoire, sur nos origines.
Elle ne doit pas être une vitrine promotionnelle pour artistes obèses d’honneurs et de fric,
elle ne doit pas être pas un présentoir pour enguirlandeurs de patrimoine,
elle ne doit pas être un faire-valoir pour l’oligarchie en place qui bafoue l’éthique et l’esthétique,
elle ne pas être une valse de subventions qui engraisse les gras et affament les maigres, hors de tout contrôle.
2) Pour justifier l’installation de cet art on a invoqué des raisons économiques. Rentabiliser la grotte... augmenter sa fréquentation... allécher le touriste, faire de l’événementiel quel qu’il soit pourvu qu’on vende davantage de billets, et finalement adopter cette mode qui est devenue religion d’État: promouvoir l’art contemporain en utilisant le patrimoine existant comme support, et à son détriment...
Le bénéfice économique espéré est nul pour la raison simple que le coût d’installation des oœuvres, l’acheminement, l’assurance, la rémunération des artistes exposants, la «com’», les vernissages, etc., tout ça coûte plus cher que ça ne rapporte. Et avec quel argent ces frais sont-ils ajustés? Avec celui du contribuable! Voilà pourquoi j’avais demandé aux responsables des affaires publiques, élus, organisateurs et autres fonctionnaires de l’État, d’associer les citoyens aux décisions quant à la politique culturelle de la grotte. C’est notre argent, on ne veut pas qu’il soit utilisé n’importe comment, on ne veut pas qu’il profite aux lobbies des arts subventionnés, en profanant, par surcroît, le patrimoine préhistorique.
Parce qu’il désapprouvait la politique du gouvernement américain soutenant l’esclavagisme, l’humaniste Henry David Thoreau (1817-1862), refusa de payer l’impôt et fut emprisonné. Plus tard, ayant retrouvé la liberté, il écrivit un livre, La désobéissance civile, qui influença des gens comme Tolstoï, Gandhi, Martin Luther King, Mandela...
Quand, plus récemment, José Bové voulut s’opposer aux lobbies OGM qui menaçaient d’envahir la planète, il fit lui aussi un séjour en prison pour avoir fauché des champs de maïs. Je crois juste de m’inspirer de ces maîtres en matière de résistance et de désobéissance civile pour que soit mis un frein à l’envahissement planétaire de l’art contemporain dans les espaces patrimoniaux. Sans violence, sans destruction, seulement par des gestes de création.
Avec cette nuance capitale: il ne s’agit pas de s’opposer à la présence d’art, contemporain ou non contemporain, dans des lieux patrimoniaux ou ailleurs, il s’agit de s’y opposer quand cet art n’a rien à voir avec leur contenu, leur histoire; quand cet art, loin de servir le site, le dessert; quand il en fausse la lecture jusqu’à l’occulter; quand il l’utilise comme un piédestal, quand il le supplante, l’altère, le paupérise, l’avili.
En revanche tout art susceptible d’établir un lien réel, une complicité interactive perceptible avec l’histoire d’un lieu peut s’avérer une expérience riche d’intérêt. Mais, pour citer un exemple local, ce n’est pas le cas au Château de Foix où les collections du FRAC font grincer les dents de Gaston Phebus autant que celles des visiteurs; ça n’a pas été non plus le cas à Versailles où les œuvres de Jeff Koons n’ont fait que se promotionner elles-mêmes, abusivement, dans un espace déjà suffisamment alourdi de son propre contenu.
Quand va-t-on remplir l’enceinte du château de Montségur avec un art totalement étranger à son histoire? Quand va-t-on garnir Lascaux ou Chauvet avec du Murakami ou du Fabre?
Ces occupations décidées par l’arbitraire de quelques-uns sont mal vécues par les lieux à qui on les impose, mal vécues par une majorité de gens qui les visite. Ces occupations sont devenues un véritable parasitisme. Nous n’en voulons plus et ferons tout pour bouter hors des frontières la Bête invasive.
NOUS DISONS STOP!!!
Ce combat que je vais mener avec ceux qui voudront me rejoindre, n’a rien contre les travaux de valorisation et de conservation qui ont été effectués récemment à la grotte, rien contre les Aziliens eux-mêmes, rien contre ce beau village du Mas d’Azil, il est dirigé contre ce Système et la poignée d’oligarques irresponsables qui mystifie le monde.
Claudius de Cap Blanc
Zéro, rue de l’Usine
09290 - Le Mas d’Azil
05 61 69 72 10
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Mes interventions emprunteront deux motifs fréquemment rencontrés dans l’art préhistorique: la vulve et la main. Il sera toujours temps d’expliciter les raisons hautement symboliques de ce choix. Avec l'aide de André Leroi-Gourhan (Le Geste et la Parole, Albin Michel, 1964).
Cueva de las Manos (Grotte des Mains) Santa Cruz, Argentine.
Cueva de Tito Bustillo, Espagne.
------------------------------------------------------------------------------------
Voir le colloque du 23 janvier 2013 sur Sauvons l'Art:
http://www.sauvonslart.com/modules/news/article.php?storyid=68589
Première intervention. Façade sud de La Maison de la Grotte. 19 juillet 2013. 7h - 9h.
Réaliser une fresque murale avec deux motifs symboliques omniprésents dans l'art préhistorique, la main et la vulve.
Même jour, 17h30. Trois gendarmes sonnent à ma porte (Zéro, rue de l'Usine), pour m'informer qu'une plainte vient d'être déposée par la Mairie du Mas d'Azil au sujet des "dessins à la grotte". On me dit par ailleurs que "ces dessins" vont être effacés. On me conseille avec bienveillance "de ne pas recommencer".
Résumé succinct du calendrier judiciaire au 23 juillet 2013 (avant de passer à la deuxième intervention in situ).
- 19 juillet entre7h et 9h: réalisation d’une fresque dextro-vulvaire à la Maison de la grotte.
- 20 juillet vers 15h: visite de trois gendarmes m’informant qu’une plainte vient d’être déposée par la Mairie du Mas d’Azil pour: “DÉGRADATION OU DÉTÉRIORATION LÉGÈRE D’UN BIEN PAR INSCRIPTION, SIGNE OU DESSIN”.
- 21 juillet, 14h20: le Maréchal des Logis-chef Cédric Fablet m’apporte le procès verbal ci-après m’invitant à comparaître à la gendarmerie du Mas d’Azil le lendemain.
- 22 juillet, 9h - 11h30: audition à la gendarmerie pour les faits qu’on sait. Je reconnais tous les faits qui me sont reprochés: j’ai agi seul, employant deux pochoirs et quatre bombes de peintures (noir, rouge, ocre, orange) pour peindre deux motifs empruntés à l’art rupestre préhistorique (35 mains et environ 150 vulves) sur la façade sud de La Maison de la grotte. Les raisons qui m’ont poussées à cet acte reprennent les termes qu’on trouve dans la lettre envoyée à M. Berdou, maire du Mas d’Azil, à M. Bonrepaux, président du Conseil Général, à Mme Guien, Présidente des Abattoirs, à M. Maurice, Président de la résidence d’artistes Caza d’oro, à Mme Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication, et “aux technocrates articides et autres mercantis adventices”.
Le Maréchal des Logis-chef Fablet me demande qui sont ces derniers. Ils sont trop nombreux pour être cités mais j'en nomme un à titre d’exemple: Claus Sauer, directeur de Caza d’oro.
Sont ajoutés dans la déposition quelques mots qui ne figurent pas dans la lettre: bien que mon acte soit aussi un acte de protestation, j’ai agi sans violence, sans destruction, avec un soucis esthétique et artistique.
La dernière question qui m’est posée est la suivante:
— Comptez-vous poursuivre vos interventions à la grotte?
Réponse:
— Oui, tant que les personnes et institutions auxquelles je m’adresse n’auront pas répondu, autrement que par le mode répressif, à mes objurgations.
Signature du procès verbal qui suit (après que Marylin Blanc, Vice-procureur de la République au Tribunal de Grande Instance de Foix ait été informée du contenu de la déposition et ait statué):
COMMENTAIRE (personnel).
Ce mot, dégradation, qu'on trouve à deux reprises dans ce document, me paraît particulièrement mal approprié. Supposons un instant que la fresque que j’ai réalisé à La Maison de la grotte, ait été faite par Gary Hill , ou quelqu'autre artiste officiel et payé pour ça, on ne parlerait pas de dégradation mais d'oeuvre. C'est parce que c'est moi qui l'ai faite qu’elle n’est pas considérée comme une oeuvre mais comme une dégradation. Pourquoi? parce que je n'ai pas d'autorisation pour avoir fait ça. Si tu as une autorisation pour tuer, par exemple, tu ne commets pas un crime, tu ne fais que ton devoir. C'est pour ça que tuer quelqu'un peut être regardé soit comme un crime, soit comme un acte citoyen, héroïque, selon qu’on est autorisé ou non. C’est l’autorisation qui transforme la dénomination de l’acte commis. À l’heure où je vous parle il y a des chefs d’état (en Syrie ou ailleurs) qui tous les jours délivrent des autorisations pour que des hommes aillent en massacrer d’autres qui sont leurs concitoyens. Ces massacreurs ne sont absolument pas dans l’illégalité. Si on leur demande “mais qu’êtes-vous donc en train de faire là avec vos bombes?” Ils peuvent sortir un papier tamponné et signé de leur poche et dire: “Nous avons l’autorisation du Roi”. Ils ne sont donc pas coupables de massacrer, ils font leur devoir. Et s’ils refusaient de le faire, le roi délivrerait d’autres autorisations à d’autres sbires pour que les “refus d’obtempérer” soient à leur tour massacrés.
Ce n’est pas ma fresque qui pose problème à la grotte, elle est du reste appréciée par beaucoup de gens si j’en juge pas les échos qui me parviennent tous les jours, c’est le fait que je l’ai réalisé sans autorisation de ceux qui délivrent les autorisations. En soi, ma fresque ne détériore rien, puisqu’elle aurait très bien pu être une commande d’État comme le sont les deux oeuvres de Gary Hill et Allan Packer présentent dans la grotte (et plus on va pousser le raisonnement, plus on va aboutir à des aberrations: beaucoup de gens considèrent que les oeuvres d’art contemporain présentent à la grotte détériorent l’espace de la grotte, mais du moment qu’elles sont autorisées à y être... Du moment que quelques uns ont décidé qu’il fallait qu’elles y soient... Du moment qu’elles ont été conçues par des artistes reconnus... Du moment qu’elles coûtent des centaines de milliers d’euros... Etc...
Oui, mais voilà, quand ces centaines de milliers d’euros sont pris dans la poche du contribuable, et que le contribuable n’a pas eu son mot à dire, eh bien le contribuable se sent léser, trahi, et il se révolte contre l’Autorité qui a délivré de telles autorisations et a permis de telles installations: je ne fais rien d’autre que ça. Et je vais continuer. Et j’invite tous ceux qui en ont assez de l’opacité, de l’autoritarisme et du mépris à faire de même.
Je crois que ce serait nous, citoyens ordinaires, qui devrions délivrer une autorisation à l’État avant que celui-ci, sans aucune concertation, dans un arbitraire absolu, prenne 140 000 euros dans nos poches pour installer dans une grotte préhistorique qui n’en veut pas des oeuvres qui la déprécient et la détériorent. Cet argent inconsidérément dépensé, nous allons demander à en être dédommagé dans nos feuilles d’impôt. À l’heure ou 12% de la population française commence à crever de faim parce que sans travail et parfois sans toit, l’oligarchie régnante va devoir stopper ses incartades gestionnaires, et rendre des comptes dans tous les sens du terme.
Avant de passer à la deuxième intervention, un titre, pour qualifier l’entreprise en cours: EXÉRÈSE
Définition du Dictionnaire de l’Académie (7ème édition): opération chirurgicale qui consiste à extraire un corps étranger, un tissu ou un organe inutile ou nuisible à l’organisme.
Les oeuvres de Gary Hill et d’Allan Packer qui occupent la grotte doivent subir cette opération, non seulement parce qu’elles sont un corps étranger inutile et nuisible mais aussi parce que leur fonction essentiellement parasitaire est coûteuse. On parle de 140 000 € - je comprends pourquoi personne n’ose prononcer ce chiffre... C’est drôle, une mauvaise langue m’accusait hier de “polluer” la grotte avec ma fresque mano-vulvaire. Polluer, parasiter.. Si la chose était objectivement avérée, elle aurait au moins l’élégance de ne rien coûter aux contribuables. Le coût de cette réalisation n’ayant pas excédé 47 euros de peinture. Et qui a payé? Moi! Tandis que les 140 000 euros consacrés aux deux oeuvres de Hill et Packer, qui paye? VOUS! MOI, TOUT LE MONDE! Et vous a-t-on demandé votre avis?
La messe n’est pas dite. On y reviendra en temps utile parce qu’il y a là un scandale dont l’Institution va pâlir de honte quand tout ça éclatera au grand jour.
Pour accéder à la deuxième intervention et à ses développements, cliquer ici.
En utilisant ce site Web, vous acceptez l' utilisation des cookies /
Cookies are short reports that are sent and stored on the hard drive of the user's computer through your browser when it connects to a web. Cookies can be used to collect and store user data while connected to provide you the requested services and sometimes tend not to keep. Cookies can be themselves or others.
There are several types of cookies:
So when you access our website, in compliance with Article 22 of Law 34/2002 of the Information Society Services, in the analytical cookies treatment, we have requested your consent to their use. All of this is to improve our services. We use Google Analytics to collect anonymous statistical information such as the number of visitors to our site. Cookies added by Google Analytics are governed by the privacy policies of Google Analytics. If you want you can disable cookies from Google Analytics.
However, please note that you can enable or disable cookies by following the instructions of your browser.